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Bienvenue sur Mascara Algérie de ma jeunesse

J'ai créé ce Site sur Mascara pour retrouver des amis perdus depuis l'exode de 1962, pour savoir ce qu' est devenue notre ville que je n'ai pas revue depuis, pour avoir des contacts avec tous les Mascaréens, enfin pour montrer à mes enfants la ville et le pays où nos 3 générations et plus, sont nées.

Ce site a dépassé mes espérances : j'ai retrouvé plusieurs amis, j'ai de nombreux contacts avec Mascara, j'ai revu, sur les nombreuses photos et vidéos que m'ont envoyé des Mascaréens, notre ville, il a permis a plusieurs d'entre nous de se retrouver.

Ce site évolue grâce à tous les Mascaréens qui me font parvenir photos et documents sur Mascara. Merci à tous ceux qui ont, ou vont contribuer à l'étoffer en m'envoyant photos, cartes postales, poésies, archives anciennes.

Ce site n'a pas la prétention d'être un site historique, simplement un site de mémoire et de contacts, nous ne traiterons pas l'actualité publique et associative après 1962.

Le Serment de l'Orane

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Le Serment de l'Orane

Pièce historique dramatique sur la fin de l'Algérie Française

 
Après les premiers grands succès à l'Atelier des Arts de Marseille
et au Château de Fargues à Avignon - Le Pontet, souligné par le journal "La Provence",
"Le Serment de l'Orane" revient à Marseille au célèbre THEÂTRE MAZENOD
 Claude Nal
 

Pour plus de détails et inscriptions cliquez ICI.

 

Conférence 1903

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M A S C A R A


Conférence avec projections lumineuses
Faite au Théâtre Municipal Le 20 Mars 1903
Par le Docteur A.CROS
Numérisé par Jean-Louis Viguier L’original de ce document se trouve au Centre Historique de l'Algérie à Aix en Provence. Maison Maréchal Alphonse Juin
 


AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La société des Beaux-Arts, non contente de vous offrir des auditions musicales très appréciées et des bals non moins goûtés, a voulu mériter un point de plus, en joignant l’utile à l’agréable. Elle a donc décidé de faire des conférences artistiques, avec projections lumineuses pour les rendre plus attrayantes.
C’est M.Louis Giraud, toujours si dévoué aux intérêts moraux et matériels de notre cité, qui a ouvert la série il y a quelques semaines, en évoquant devant vous quelques unes des plus pures, des plus nobles figures de notre gloire nationale.
Tour à tour ont défilé devant vos yeux le fier gaulois Vercingétorix, le preux Roland, le valeureux Dugesclin, Jeanne d’Arc, la libératrice de la France, Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche, Turenne, le grand capitaine, Jean-Bart, l’intrépide marin et plus près de nous, les héros de la République, Kleber, Hoche, Marceau et enfin les indomptables cuirassiers de Reischoffen. Vos applaudissements que vous n’avez pas ménagés, ont montré combien vous étiez fiers d’appartenir à la vaillante nation française.
Aujourd’hui, Mesdames et Messieurs, puisque c’est à moi qu’est échu le périlleux honneur de prendre la parole devant vous, je vous parlerai encore de la Patrie, non plus de la grande Patrie qui nous abrite tous sous les plis de son drapeau aux trois couleurs ; mais de la petite Patrie dans la grande, , celle qui a vu, naître le plus grand nombre d’entre vous, celle que j’ai moi-même adoptée, celle à laquelle nous sommes attachés par tous nos souvenirs, tous nos intérêts, les mille liens de notre existence, aussi bien que présente et future. Je vais essayer de vous retracer l’histoire de Mascara ; je suis ainsi certain d’avoir toute votre indulgence, si mes faibles talents de conférencier ne répondent pas à ce que vous êtes en droit d’espérer et d’exiger.


SITUATION TOPOGRAPHIQUE
La ville de Mascara ancienne capitale de l’Emir Abd-el-Kader, aujourd’hui modeste chef-lieu d’arrondissement, est située par 2*11 de longitude occidentale, et 35*26 de latitude septentrionale à une altitude moyenne de 580 à 600 mètres ; le point le plus élevé l’Hôpital militaire, se trouve à 621 mètres.
Elle se trouve dans l’intérieur de la région du tell, sur le versant méridional d’un contrefort de l’Atlas connu sous le nom de chaîne des Beni-Chougran (que nos soldats appelaient le maudit Chougran) à 50 kilomètres seulement de la mer, à vol d’oiseau ( embouchure de la Macta) ; à 96 kilomètres sud est Oran, à 71 kilomètres au sud de Mostagamen.
Assise sur deux coteaux, séparés par un ravin où coule un maigre ruisseau presque entièrement desséché en été, l’oued Toudman, la ville de Mascara est elle-même abritée au nord par une série de mamelons dont l’un des principaux a reçu des Arabes le nom significatif de Chareb er Rih ‘lèvre du vent). De cette position élevée, elle domine l’immense et belle plaine d’Eghris qui se déroule à ses pieds au sud, et sur laquelle la vue d’étend agréablement jusqu’aux montagnes teintées de bleu qui la bordent dans le lointain.
 
 HISTOIRE
On ne sait rien de bien précis sur les origines de Mascara. Plusieurs auteurs veulent qu’il ait été élevé sur les ruines d’une ancienne colonie romaine, ce qui n’est pas impossible, bien qu’il n’en reste aucun vestige. Les uns comme Shaw, voudraient que ce soit l’ancienne Victoria ; les autre l’identifient avec Castra Nova, Champlouis place Castra Nova à Ikhlef (ben Yakhlef !) tandis que le Commandant Demaeght soutient que Castra Nova se trouve sur l’emplacement de Perrégaux. Ce nom de Mascara, vient soit de Oum et Asker, la mère des soldats, soit plus simplement de M’asker, lieu où se rassemblent les soldats, camp. Il atteste une ancienne réputation guerrière, d’ailleurs justifiée, et qui concorderait assez bien avec cette hypothèse que Cas tra Nova ( le nouveau camp) serait l’ancien nom de la ville.
Un historien arabe peu connu, El Fassi, dit le Docteur Uhlman, rapporte une traduction relative à la fondation de cette ville : « Un nommé Merhed le Korichi, établi en Egypte, fut dénoncé à l’Emir comme prétendant au pouvoir suprême. Averti par un des familiers du prince il chargea à la hâte sur ses chameaux ses effets les plus précieux, et après une longue marche, il parvint au pays de Mascara. Les habitants l’ayant apprécié comme un homme de bien le prirent pour chef. Il se maria chez eux, et eut de ce mariage un fils nommé Rached. A son lit de mort, Merched confia à son fils qu’il n’était pas seulement Korichi, comme on le croyait universellement, mais comme Cherif. Il lui donna sa généalogie et lui recommanda de ne pas divulguer ce secret, les gens de la région ayant en horreur les Cheurfa, Rached succéda à son père. C’était un homme généreux, vaillant, beau, aimé de tous. C’est ce Rached qui fit construire la ville de Mascara vers l’an 800. Si cette date était admise notre cité serait plus que millénaire.
Quoi qu’il en soit de ces origines la ville ne fut pendant longtemps qu’une humble bourgade, et ne commença à avoir quelque importance qu’il y a environ 200 ans au commencement du XVIIe siècle. En 1706, Mostefa bou Chlaram (Mostefa aux moustaches) bey de Mazouma c’est à dire lieutenant du Dey d’Alger pour la province de l’Ouest, ne trouvant pas sa résidence assez centrale, transporta le siège du Beylick de l’Ouest, d’abord à Keurth situé à 4 kilomètres au Sud-Ouest de Mascara ( Keurth qu’on appelle encore aujourd’hui le vieux Mascara n’est plus qu’un groupe de misérables gourbis réunis autour d’une petite mosquée entourée de ruines; d’immenses cimetières qui couvrent les collines environnantes attestent seules actuellement son ancienne importance ).
Il le transféra ensuite à Mascara qu’il agrandit considérablement et où mourut, dit-on, d’hydropisie en 1737. Son fils Youssef y établit définitivement le siége de son commandement. Mostafa el Hameur (le rouge) successeur de bey Youssef l’entoura de remparts en 1748 ; mais c’est le bey Mohammed el Kébir, c’est à dire le Grand, qui dota la ville de ses mosquées, de ses fontaines et qui fit exécuter la plupart des travaux d’utilité publique. Ce fut le temps de sa splendeur. Les anciens habitants prétendaient que cette ville était immense ; « Si on interroge à cet égard, écrivait Haspel en 1851, ils vous diront dans leur langage imagé que Maskara et ses faubourgs renfermaient autrefois autant de familles qu’on compte de grains de raisin dans les vignes qui l’environnent » .
Les habitants de Mascara jouissaient d’une réputation plutôt fâcheuse, au dire d’un marabout célèbre, Sidi Ahmed ben Youssef, auquel on attribue les dictons arabes suivants : « Les gens de Mascara vous aiment le matin, et vous haïssent le soir … Ils vous aiment sans cœur, et vous détestent sans motif ….. Il médisent même du pain, et se réjouissent du mal …
Si tu rencontre quelqu’un de gros, fier et sale, tu peux dire ; c’est un habitant de Mascara » « J ‘avais conduit des voleurs prisonniers dans les murs de Mascara ; ils ont trouvé un refuge dans les maisons.. de l’Est à l’Ouest, j’ai rassemblé tous les enfants du péché et je les ai conduits auprès de Sidi Mohamed bou Djellal, là ils m’ont échappé ; une partie est entrée à Mascara et, l’autre partie est descendue dans la plaine d’Eghris »
Mascara resta la résidence des beys de l’Ouest jusqu’à l’évacuation d’Oran par les Espagnols en 1792 ; Mohamed el Kébir prit alors le titre de Bey d’Oran, et fit de cette ville sa capitale.
Dés ce moment, Mascara délaissée retomba dans l’oubli et vit sa prospérité l’abandonner rapidement. Cependant elle conserva une petite garnison turque d’une centaine d’hommes ; La chute d’Alger, en 1830, amena une effervescence générale des tribus. Elles refusèrent de secourir le bey d’Oran Hassan, qui pressé par les Français capitula et leur remit la ville le 04 janvier 1831. La garnison de Mascara, attirés par les Hachems dans une embuscade faillit être massacrée, et ne dut son salut qu’à l’intervention des Beni-Chougran, qui maîtres des défilés des montagnes permirent aux turcs de s’échapper avec leurs richesses.
Dés lors ce fut l’anarchie complète de Mascara. Les faubourgs se battaient contre la ville, dit le colonel Trumelet, on s’y disputait les approvisionnements qu’avaient laissés les Turcs. De leur côté les tribus de la plaine d’Eghris voulaient e qu’on leur livra les Mozabites et les Juifs qui tenaient le commence de la ville. La misère était partout. C’est alors que pour mettre fin à cette situation critique, les principaux chefs et les marabouts les plus influents des trois tribus des Hachems, des Beni Amer et des Reraba, dans une grande assemblée tenue à Arsibia, élirent pour chef suprême le jeune Abd-elKader, à peine âgé de 24 ans, le 28 septembre 1832.
Abd-elKader naquit à la Guethna, vers 1808. Son père Mahi-el-Dine était un marabout très vénéré et très influent de la tribu des hachem, qui se faisait passer pour Cherif prétendant descendre du Prophéte par sa fille Fathma. Le jeune Abd-el-Kader reçut une éducation très soignée, et fit en 1828, à lâge de 19 ans, le pèlerinage de la Mecque, accompagné de son père. Après avoir rempli leurs devoirs religieux dans cette ville, nos pèlerins se rendirent à Bagdad où se trouve le tombeau de Si Abd-el-Kader el Djelali, qui est en grande vénération dans toute l’Algérie. A leur retour en 1829, la légende se répandit que pendant qu’ils étaient prosternés dans la Kouba du Saint, celui-ci leur avait apparu sous les traits d’un nègre, et leur avait prédit que le jeune pèlerin serait un jour le Sultan de l’Ouest, après la chute des Turcs.

Cette légende répandue dans le pays, et habilement exploitée décida l’élection du nouvel émir. Lorsque la nouvelle du choix fait par l’assemblée fut apportée à Mahi-ed-Dine, il appela son fils et lui demanda comment il gouvernerait les Arabes : « Si j’étais sultan, dit Abd-el-Kader, je gouvernerais des Arabes avec une main de fer, et si la loi ordonnait de faire une saignée derrière le cou de mon frère, je l’exécuterais des deux mains »
Et le nouveau sultan monta aussitôt à cheval au milieu des acclamations, et le lendemain il faisait son entrée solennelle à Mascara et prenait possession du palis du beylick n’ayant pour tout trésor, dit de Castellane, qu’un franc noué dans l’un des coins de son haïk. Son premier soin en arrivant à Mascara fut de se rendre à la mosquée, où il prêcha fort habilement la paix entre tous les musulmans et fit appel au concours de tous en vue de la guerre sainte contre l’infidèle qu’il s’engagea à mener vigoureusement. Le lendemain pour se procurer les premières ressources nécessaires à cette lutte, il frappa d’une contribution de 20.000 boudjous ( le boudjou valait 1fr.75 centimes) les juifs et les Mzatibes, qui payèrent ainsi les frais d’installation du nouveau sultan.
Le chef d’escadron de Thorigny envoyé en mission auprès de lui en mars 1834 par le général Desmichels, gouverneur d’Oran, nous a laissé le portrait suivant : « Abd-el-Kader, âgé de 26 ans est un très bel homme ayant de la dignité et beaucoup de distinction dans ses manières. Il était vêtu comme les Arabes ; seulement la couleur de son burnous qui était d’un vert opaque, donnait de la singularité à son costume. Ce que je remarquai principalement, c’était une main digne d’être modelée, dont pourrait se glorifier un petit maître parisien ….
« Quatre nègres avaient amené le coursier du bey. Il parut monter avec lenteur et nonchalance, mais une fois sur selle, il fit bondir son cheval dans la plaine, et le lançant avec rapidité, u l’arrêtant tout à coup, il nous montra, que comme tous les chefs arabes, il était cavalier accompli. Pendant la chaleur du jour, un des ses officiers portait un parasol en drap d’or au-dessus de sa tête pour le préserver des ardeurs du soleil, et en signe d’allégresse, de nombreuses salves de mousqueterie se faisaient entendre à l’avant-garde et se mêlaient aux sons discordants de la musique qui ne cessa pas de jouer pendant toute la marche »
Tel était l’homme qui devait, nous disputer la possession de l’Algérie pendant quinze ans d’une lutte acharnée.
Les tribus, sauf les trois qui l’avaient nommé et dont il avait coutume de dire « Les Beni-Hamer et les Gharabas sont mes vêtements et les Hachem sont ma chemise » refusèrent d’abord de reconnaître son autorité ; mais elles ne tardèrent pas à se laisser subjuguer par son habilité, son audace et sa réputation de justice. Nous avons été nous même d’ailleurs, il faut bien le reconnaître, les principaux artisans de sa puissance en lui accordant par le traité de Desmichels en 1834, et plus tard par celui de la Tafna (1837) des avantages inconsidérés, lui fournissant fusils et munitions, et les moyens matériels qui lui manquaient pour asseoir son autorité.
Quoiqu’il en soit, lorsqu’il prit possession de Mascara, cette ville était profondément déchue : sa population était misérable, et ses maisons tombaient en ruines. L’Emir s’appliqua à la relever de ses ruines. Le chef d’escadron de Thorigny, qui comme nous venons de le dire, fut le premier français auquel il était donné de pénétrer dans la capitale d’Abd-el-Kader, a raconté dans son rapport à son chef, le général Desmichels, l’impression étrange que lui produisit cette ville. Parti d’Oran le 11 mars, il arrive à Mascara le surlendemain : « Plusieurs montagnes dit-il, défendent l’approche de Mascara ; la dernière très élevée et très escarpée demande deux heures pour être gravie. Au revers nous aperçûmes la ville, ses blanches maisons et ses minarets. Elle domine une vaste plaine très cultivée. Nous fûmes installés dans une assez joli maison appartenant au Bey…Mon premier soin le lendemain fut de parcourir la ville, mais il était très difficile de nous frayer un passage dans les rues étroites où la foule se pressait pour examiner des roumis (chrétiens) comme ils nous appelaient stupide d’étonnement de voir des officiers français armés parcourant les rues d’une ville pure jusqu’alors selon eux de toute souillure chrétienne. Les chiaoux nous furent alors d’un grand secours, écartant à coups de bâtons les indiscrets qui nous approchaient de trop près.
« La ville me fit l’effet d’un grand couvent, où des moines vêtus de burnous avec des capuchons noirs ou blancs se croisaient dans tous les sens ; seulement leur aspect sauvage , leurs yeux brillants annonçaient toute autre chose que des idées monastiques. Elle renferme une population de dix à douze mille âmes. Quelques boutiques tenues par des Maures ou des juifs sont assez bien fournies ; des cafés et un marché toujours bien approvisionné et fréquenté par des Bédouins de la montagne sont les seules ressources que puisse offrir la ville. Les femmes arabes sortent peu, et seulement pour aller au bain ; mais le docteur mon compagnon en a vu de fort jolies, entre autres la sœur du Bey.
« J’avais le grand plaisir d’examiner en détail les fortifications de la ville, mais les nombreuses visites qui nous firent faites ne m’en laissèrent pas de temps, et je dus m’en rapporter à ce que j’ai vu en passant. Quinze pièces de canon défendent la ville, mais la plupart en mauvais état ne feraient sans doute feu qu’une fois, au grand préjudice des servants tant les affûts sont mauvais. Nous avions par ailleurs en juger par les deux pièces de campagne qui avaient suivi dans son expédition l’armée d’Abd-el-Kader. : Deux mules attelées à la fille l’une de l’autre les traînent; les roues très rapprochées permettent de passer partout. Quatre pièces défendent la maison du Bey »
Quelques mois plus tard les hostilités reprenaient, et le maréchal Clauzel avec une colonne de dix mille hommes de toutes armes, et un corps auxiliaire de Turcs et d’Arabes sous le commandement du bey Ibrahim notre allié, s’avança contre Mascara. Le maréchal fit son entrée dans cette ville le 6 décembre 1835, mais il avait été devancé de quelques heures par ses auxiliaires indigènes qui avaient mis la ville au pillage et tout saccagé. Les juifs furent plus spécialement malmenés et un certain nombre d’entre eux furent massacrés.
Le maréchal jugeant inutile de conserver la ville, détruisit l’arsenal et les établissements militaires qu’Abd-el-Kader avait fondés, fit démolir les forts et les murailles et le 9 décembre, trois jours après son entrée, après avoir fait mettre le feu à tout ce qui restait, se retira vers Mostagamen, en emmenant à sa suite, sept ou huit cents juifs dénués de tout, qui l’avaient supplié de ne pas les abandonner au milieu des ruines et des tribus hostiles.
 
La situation des Israélites, était loin, comme on le voit, d’être toujours enviables sous la domination turque ou arabe. D’après ce que rapporte le Dr Facquot : « Ils habitaient entassés les uns sur les autres, des quartiers resserrés, obscurs, quelques fois souterrains dans lesquels avant la conquête on les parquait chaque soir en fermant l’unique porte de leur labyrinthe » --« Avant nous , dit de son côté le colonel Trumelet les musulmans qui professent pour eux le plus profond mépris, les rossaient sans pitié, les volaient sans scrupule ( à charge de revanche, par exemple ) et leur faisaient subir mille humiliations qu’ils acceptaient parfaitement. Ainsi ils étaient obligés de porter des vêtements de couleur noire, il ne leur était permis de sortir qu’avec des pantoufles dont le quartier devait être rabattu ; ils ne pouvaient monter ni bête de selle ni bête de somme ; ils se faisaient bien humbles, bien petits devant les musulmans, et ils paraissaient trop bien convaincus de la supériorité de la race arabe sur la leur pour se permettre de ces familiarités qui blessent si profondément aujourd’hui l’orgueil des anciens maîtres du pays. Pour les croyants et les frappeurs de poudre, l’israélite avant la conquête appartenait à une espèce classée entre l’homme et le bétail »
Après notre départ, la ville fut de nouveau occupée par les Arabes, et rapidement reconstruite.
Le maréchal Bugeaud l’occupa une deuxième fois sans rencontrer de résistance le 30 mai 1841. Cette fois l’occupation fut définitive : la capitale de celui qui se faisait appeler « Emir-el-Moumenin » (commandeur des croyants) était désormais une place française. La ville avait été abandonnée, les maisons étaient désertes, les meubles brisés. Bien que respectée par l’incendie, elle offrait néanmoins un aspect lamentable lorsque les trois mille hommes de Bugeaud vinrent l’occuper.
Voici comment un témoin oculaire, le Dr F. Jacquot, médecin militaire, décrit l’état de la ville au moment de son occupation :
 
« On ne peut se faire une idée exacte, si on n’en a été témoin de ce qu’est une ville arabe qui tombe en notre pouvoir après avoir été dépeuplée par la misère et dévastée par nos armes. Si on se place sur un point élevé, on s’aperçoit qu’une masse informe de ruines ; si on pénètre dans ses murs, on ne trouve que des ruelles obstruées par des décombres, des galeries croulantes, des terrasses lézardées, des cours humides et des amas d’immondice.
 « L’intérieure des habitations mal closes et ruinées reste exposé à l’air et aux intempéries des saisons ; les matières organiques qui incrustent les murailles et les solives des lieux où on a longtemps logé, les débris végéto-animaux qu’on a laissé s’accumuler parmi les ruines, dans les cours, dans les écuries, subissent les alternatives des nuits froides et humides et les jours secs et chauds, et ne tardent pas à être travaillés par la fermentation. Des légions de rats énormes et des troupes de chiens à demi sauvages labourent et bouleversent incessamment ces détritus et exposent alternativement à l’air toutes les parties.
« Les soldats se réfugient dans ces ruines pour déposer leurs défécations, de sorte que les selles diarrhéiques et les urines s’infiltrent dans les larges porosités de ces fumiers et ne contribuent pas peu à faire entrer en fermentation toutes ces matières. Mais ce sont surtout les pluies qui abreuvent et détrempent ces accumulations d’ordures et amènent leur décomposition. Des malheureux presque nus font pourtant leur habitation de ces ruines.
« Le soldat arrivant dans une ville dévastée, abandonnée, et tombant en ruines est obligé de chercher un asile au milieu de ces foyers d’infection. C’est pourtant ce qu’il a été obligé de faire après la prise de beaucoup de villes, de Blidah, de Médéah, d’Oran et de Mascara en 1841. »
L’ancien Mascara proprement dit était d’une fort petite étendue. Placé sur la rive gauche de l’Oued Toudman, il ne renfermait guère que les établissements militaires du Belick.
 
L’enceinte fortifiée suivait le trajet suivant : en prenant pour point de départ la place Vauban actuelle, les remparts traversaient la place Mogador et suivaient le prolongement de la rue Vauban jusqu’après le bain maure situé derrière la Mosquée, pour de là aller aboutir à la Chefferie actuelle du génie vers le milieu de la rue Victor-Hugo.
A ce niveau ils formaient un saillant dont le sommet était tourné vers le nord, et allaient rejoindre la rue de Saïda pour se prolonger parallèlement à la rue des arts ; puis formant un angle droit, ils se dirigeaient directement vers le ravin de l’oued Toudman entre la rue de Cherchell et la rue Duquesne.
Ils longeaient ensuite le bord du ravin en suivant le tracé du boulevard Lamoricière, jusqu’à la place de Bône (Tribunal) . Arrivés là, ils se détachaient à angle droit du ravin pour aller rejoindre la place Vauban en suivant la rue de Bône, où l’on en voit encore des vestiges.
Sur la rive droite du ravin de l’Oued Toudman, était un quartier appelé Argoub Ismaïl, qui a conservé jusqu’à ces dernières années son vieux nom arabe. Il était toutefois moins étendu que le quartier actuel de ce nom. Il était complètement séparé de Mascara par un mur en pisé avec tourelles, dont on voit encore quelques pans au jardin public et surtout au voisinage de la porte de la gare et de la caserne du train des équipages. C’était là que les beys avaient leur quartier de cavalerie.
Mascara était en outre entouré par un certain nombre de faubourgs qui occupaient un espace plus grand que la ville elle-même.
C’étaient : 1* Bab-Ali, au nord, sur la rive droite de l’Oued-Toudman ; 2* Bad el Chergui, à l’est, qui a été englobé plus tard dans la nouvelle enceinte, et qui s’étendait entre la partie inférieure de la rue de Tiaret et la place Géry ; 3* le faubourg de Sidi Ali Mohammed au sud ouest, formé de gourbis, à cheval sur le ravin de l’Oued-Toudman, également englobé dans l’enceinte actuelle, et qui a conservé son nom ; 4* le faubourg d’Aïn-beida, au sud, très important, dont une partie a été comprise dans la ville nouvelle (faubourg Jules Grévy) et l’autre laissée en dehors des remparts. De celle-ci il ne reste plus que quelques traces à peine visibles entre la porte de Tiaret et l’abattoir. C’est dans le quartier d’Aïn-Beida que se trouvait la mosquée construite par Mohammed el Kébir, qui vient d’être restaurée et rendue au culte.
 
Haspel écrivait en 1851 que « ces faubourgs Bad-Ali et Bab-el-Chergui) n’étaient plus qu’un amas de ruines dont les débris sont livrés à une population de mendiants arabes ou espagnols qu’on voit tous les jours étaler leurs guenilles sur leurs portes » .
Sous la domination française, Mascara ne tard pas à prendre un autre aspect ; les édifices publics sont réparés, les anciennes maisons disparurent pour faire place à des constructions européennes. De vastes casernes s’élevèrent et de grands travaux furent entrepris. Une nouvelle enceinte bastionnée vint mettre la ville à l’abri d’un coup demain et agrandir considérablement son territoire en y englobant l’Argoud, Sidi Mohammed, une partie d’Aïn Beida, tout Bad-el-Chergui, et en outre, de grandes surfaces situées au nord. Les nouveaux remparts présentent une longueur de trois kilomètres 260 mètres et referment une superficie de 52 hectares, 39 ares. 37 centiares.
« Qui eut vu Mascara lorsque la colonne expéditionnaire de 1841 vint pour l’occuper, écrit P. de Castellane, n’aurait plus reconnu la ville s’il nous eût accompagnés en 1846. Ruinée par deux fois Mascara n’est plus habitée maintenant que par un petit nombre d’Arabes ; en revanche sa population européenne est nombreuse, et de toutes parts s’élèvent maisons, casernes, établissements militaires, qui lui donnent l’aspect d’une ville de France entourée de jardins, d’oliviers, de vignes, d’arbres fruitiers.. »
« Sur la place, au centre de la ville autour d’un gros mûrier soigneusement respecté…la musique de régiment jouait ses fanfares, car c’était jeudi, et ce jour-là les douze femmes de Mascara se paraient de toutes leurs parures, sous le prétexte d’entendre la musique, et coquetaient du regard avec les désœuvrés de la garnison, qui le service fini, viennent promener leurs ennuis, fumer leur cigare, et prendre leur verre d’absinthe chez Vivés, pâtissier illustre. Arrivé avec la première colonne d’occupation sous une tente de toile, Vivés eut ensuite baraque de bois, puis pignon sur rue, et sa fortune marche de pair avec celle de la ville »
 
Des anciens édifices de la cité d’Abd-el-Kader, il ne reste aujourd’hui que le belick, vaste construction qui servit longtemps d’hôpital, et deux mosquées. Haspel écrivait en 1851 au sujet du Bélick : « Ce bâtiment est vieux, en mauvais état, lézardé sur plusieurs points. La cour autrefois pavée de marbre, est creusée à son centre d’un vaste bassin entouré de saules pleureurs et de citronniers. Un escalier dont les dalles en marbre sont en patrie détruites, est décoré d’arabesques. »
La mosquée d’Aïn Beida, bâtie par le bey Mohammed-el-Kébir, où l’Emis lançait ses farouches appels au Djahad (guerre sainte) servit d’abord après la conquête de magasin pour les subsistances militaires. Elle vient tout récemment d’être restaurée et rendu au culte ; elle est classée comme monument historique. Mascara possédait deux autres mosquées ; l’une située rue d’Alger est affectée au culte catholique ; elle a entièrement disparu. Sur son emplacement s’élève aujourd’hui l’Ecole du beylick La dernière située place nationale fut seule laissée aux musulmans. Le centre de la ville était la place d’Armes, aujourd’hui place Nationale, après s’être appelée tour à tour : Place Louis-Philippe, Place de la république, Place napoléon C’était là nous l’avons déjà vu le lieu des promenades Elle était remarquable non par sa régularité, ni par les édifices qui l’entouraient, mais par un mûrier séculaire qui, au dire de Duvernois, faisait encore vers 1860, l’admiration des voyageurs par ses dimensions colossales. Sur cette même place se voyait encore une fontaine dont la coupe en marbre blanc venait des anciens beys. Coupe et mûrier ont depuis longtemps disparu.
A cette même place aboutissaient alors trois rues françaises principales : la rue de Nemours aujourd’hui rue de Tiaret -la rue d’Orléans aujourd’hui rue d’Oran -et la rue Louis-Philippe probablement rue de Saïda mais que je n’ai pu identifier d’une façon certaine.
Cinq ans après l’occupation, Mascara comptait un millier d’Européens Cette population était des plus mélangées au dire de
P. de Castellane:
« Chacun avait la veste de son pays, du Nord ou du Midi , d’Espagne comme d’Italie, il y en avait de toutes les terres » -­Les campagnes voisines commençaient à se fertiliser sous la pioche des colons et des soldats-laboureurs de Bugeaud qui avaient créé plusieurs fermes dans les environs. De l’année 1847, six ans après la conquête, date la création des deux premiers villages de la région : Saint André, situé au Sud-Est, auprès d’Arsibia, aux abords de la plaine d’Eghris, et Saint-Hippolyte, à trois kilomètres au Nord de Mascara. Dans sa notice topographique sur Mascara, parue en 1851, Haspel donne comme chiffre de la population de la ville 3984 habitants, dont 1302 Européens et 2682 Indigènes. Vers cette même époque, la culture de la vigne sur les coteaux et des céréales dans la plaine commençait à se développer, et les environs étaient cultivés régulièrement sur un rayon de deux kilomètres.
 Jusqu’en 1851, Mascara fut territoire militaire. Les fonctions de maire, de juge de paix et de notaire étaient remplies par les commandants de place. P. de Castellane, nous a légué un tableau piquant de l’un d’eux qu’il appelle le Salomon de l’endroit, le commandant Bastoul et qui était plus connu sous le nom familier de père Bastoul, dont au dire du docteur Uhlman les anciens parlaient avec enthousiasme. Au mois de janvier 1854, Mascara fut érigé en commune de plein exercice en même temps qu’on lui annexa les villages de Sain,t-André et de Saint Hippolyte.


Population
  L’accroissement de la population fut assez rapide. En 1854, Armand l’estime à 4512 habitants. En 1863 le colonel Trumelet pouvait écrire que la population était presque entièrement européenne. Depuis l’occupation française dit-il, la population indigène de Mascara a beaucoup perdu de son cachet ; décimée par la guerre, dispersée par l’émigration, noyée par le flot européen, qui bien que lentement monte cependant, ses débris ont été rejetés dans les faubourgs de Bab-Ali et D’Aïn-Beïda, où ils forment à la ville une ceinture de loques et de misère. On retrouverait difficilement dans ces corps amaigris, dans ces humbles allures, le Maskri contemporain de l’irascible marabout Sid Ahmed Ben Youssef qui disait ; « Si tu rencontres un homme gros, fier et sale, tu peux dire : C’est un Maskri »
 
En 1867 d’après l’Indicateur Général de L’Algérie de V. Berard il y avait :
Français………….………1967 
Etrangers…………..…….. 956
Israélites………….……….1564
Population en bloc……202

soit au total 4689, personnes d’origine européenne.
En outre il y avait dans les faubourgs et la banlieue 1753 Arabes. Soit en tout une population globale de 9442 habitants.
Vingt plus tard, en 1887, d’après le docteur Uhlman la ville comptait 12.607 habitants. Le chiffre de la garnison était de 1276 hommes.
Le dernier recensement fait en 1901, a accusé une augmentation sensible de la population qui dépasse aujourd’hui 20.000 âmes soit exactement 20.914 habitants. Dans ce chiffre sont compris les villages annexes de Saint-André (670 habitants), de Saint-Hippolyte (239 habitants) population rurale disséminée dans les fermes éparpillées dans la banlieue (734 habitants) et de quelques douars (866 habitants).
L’agglomération urbaine ( ville et faubourgs seulement s’élève à 18.405 habitants. La garnison qui est d’environ 1.200 hommes n’est pas comprise dans ce chiffre.
La ville proprement dite renferme 9003 habitants, et ses
divers faubourgs respectivement : Faubourg Faidherbe……………..159 Faubourg Pellissier…………………62 Faubourg de la Gare……………….68 Faubourg Bab-Ali…………….….9112
Le nombre des Arabes habitant les douars sur le territoire
de la commune est de 866, soit pour chaque douar : Douar Selatna……159 Douar dudoua…155  Douar Atela250 Douar Djenan Looz..302

Le chiffre total de la population éparse (banlieue, villages, annexes, douars) est de 2509 habitants. Si maintenant l’on considère les éléments de cette population, on trouve qu’elle se répartit de la manière suivante :
Français………………………………..4735
Divers Etrangers…………………..6520
Indigènes sujets Français………8996
Tunisiens………………………………. 23
Marocains……………………………… 640
 Total……………..20.914
Les Israélites ne sont plus comptés à part ; cependant ils sont nombreux. Nous venons de voir qu’ils étaient déjà très nombreux au temps de l’Emir Abd-el-Kader, et qu’après le sac et l’abandon de la ville, un grand nombre d’entre eux, près de six cents, suivirent la colonne française du maréchal Clauzel. Leur exode d’ailleurs fut un des plus tristes épisodes de cette période. En 1863, le colonel Trumlet écrivait que les Juifs de Mascara sont nombreux et riches. Berard, en 1867 indique une population israélite de 1564 individus. Le dénombrement officiel de 1872 indique la présence à Mascara de 1559 individus pratiquant la religion israélite sur une population totale de 9797 habitants pour la commune.
Ainsi donc, le chiffre de la population de Mascara a suivi une progression régulière et a plus que doublé dans les vingt dernières années. On voit que nous sommes loin de l’époque, où le général Duvivier pouvait affirmer que « les cimetières sont les seules colonies toujours croissantes en Algérie ».
A cet accroissement de population, correspond naturellement une transformation de la ville et de toute la région environnante. La ville de Mascara peut se partager en deux parties bien distinctes ; le ville proprement dite, comprise dans l’enceinte fortifiée, et le grand faubourg de Bab-Ali, situé extra muros. La ville proprement dite, se trouve elle-même déparée en deux parties inégales, par le ravin de l’Oued Toudman, aujourd’hui transformé en jardin après avoir été longtemps un foyer d’infection. Ce ravin d’une longueur d’environ 200 mètres et d’une étendue de 3 hectares et demi, a été converti en jardin public par MM. Lafaye, commissaire civil, et les colonels Dumesnil et Derrien en 1853. L’agglomération urbaine principale, se trouve située sur la rive gauche de l’Oued ; l’autre partie appelée quartier de l’Argoub, est loin de présenter la même densité. Ces deux parties sont réunies par un pont que traverse la route d’Oran à son arrivée à Mascara. ² Le faubourg de Bab-Ali, au nord-ouest, de la ville, sur la rive droite de l’Oued Toudman, occupe une étendue presque aussi considérable que la cité proprement dite, et renferme une population, en partie indigène, en partie espagnole, d’une densité considérable, supérieur à celle de la ville. Ce faubourg renferme 9.112 habitants dont : 116 français seulement, 7539 indigènes et 1457 étrangers, en grande partie espagnols (recensement de 1901) – Ce faubourg existait déjà, avant l’occupation française, mais il était loin d’avoir l’importance qu’il a acquis par la suite. Il tire son nom, paraît-il de Baba Ali, le père d’Ali, un vieil arabe, sur le terrain duquel il fut bâti, terrain autrefois recouvert de forêts, où baba Ali exerçait le métier de bûcheron.
 
Depuis la conquête, on a régularisé les rues de ce vaste faubourg, et une large voûte jetée par dessus l’Oued Toudman, dans l’axe de la Grande Rue, permet à ce quartier de communiquer directement avec la ville par la porte appelée Porte de Bab-Ali.
Néanmoins ce faubourg laisse beaucoup à désirer au point de vue de l’hygiène, et ne cesse pas de receler les germes de toutes épidémies qui s’abattent ensuite sur la ville. Ce quartier très populeux n’est habité que par les arabes, ou la partie la plus malheureuse de la population européenne, sauf quelques exceptions, en un mot par des pauvres gens, n’ayant en général nul souci des règles de l’hygiène ; mal logés, entassés dans des pièces basses, sans fenêtres, où l’air ne peut se renouveler ; mal nourris, vivant pendant l’été presque exclusivement de fruits, souvent de mauvaise qualité. Bab-Ali est en outre totalement dépourvu d’égouts, et ses habitants, à défaut du « Tout à l’égout » pratiquent avec un sans-gêne remarquable le « tout à la rue ». Dans la cour de chaque maison mauresque, il existe, prés de la porte d’entrée, une petite fosse primitive, simple trou creusé, ou plutôt gratté dans le sol qui reçoit quelquefois les éjections des habitants. Ces fosses d’aisances rudimentaires, se vident directement dans la rue à ciel ouvert par un petit canal, et la voie publique se trouve ainsi transformée en un champs d’épandage. En outre le long de la chaussée, de chaque côté, les enfants ont l’habitude de déposer leurs excréments. Les adultes en font autant dans les terrains vagues. C’est hideux. et cela constitue non seulement un vaste foyer d’infection, mais encore un danger permanent pour la ville. L’insalubrité de Bab-Ali est le « Delanta Carthago » que les édiles mascarèens ne doivent jamais perdre de vue.
 
Outre ce faubourg, il en existe d’autres de moindre importance qui sont habités par les Européens .1) le faubourg Faiderherbe à l’est, à quelques centaines de mètres des remparts, en dehors de la porte de Tiaret, sur la route qui se dirige vers la plaine dans la direction de Palikao ; 2) le faubourg Isidore ou faubourg Pellissier, moins important que le précédent, au sud­ouest,en dehors de la porte d’Oran, sur la route de Saïda ; 3)le faubourg de la gare situé au sud de la ville, sur la rive droite de l’Oued Toudman, à l’extrémité d’un plateau qui domine directement la plaine d’Eghris et sur lequel se trouve également la gare du chemin de fer.
Quant à la ville proprement dite, elle possède à l’heure actuelle à peu près tous les édifices civils, dont elle est susceptible d’être dotée : Hôtel de Ville, Sous Préfecture, Tribunal, Théâtre, Eglise catholique, (dont le clocher vient d’être terminé), Temple protestant, Mosquées, Synagogues, Marché couvert, Halles aux Grains, nombreuses Ecoles, ect… Elle possède également de nombreux établissements militaires très importants : Casernes du 6é Chasseurs, du Train des Equipages (cette dernière récemment construite au quartier de l’Argoub) Arsenal, Hôpital militaire pouvant contenir environs 200 lits, et admettant aussi les malades civils, Cercle militaire, Hôtel de la Subdivision, Sous Intendance, Bureaux du Génie, Bureaux de la Place, Bureau Arabe, Beylick, logement du Colonel de Chasseurs, Pavillon des Officiers, manutention, un vaste Parc à fourrages, ect…..Une partie de ces immeubles, devenus inutiles ont été remis au service des Domaines, et lav ente doit en avoir lieu prochainement.
 
Mascara possède plusieurs places publiques plantées d’arbres, dont la principale, la plage Gambetta (autrefois Place Bellevue) est ornée d’un joli kiosque en maçonnerie et fer pour la musique ; ses allées sont recouvertes d’asphalte ou de goudron. A côté de la place, devant l’Hôtel de Ville, est un joli square, le Square Frédéric Perez, du nom du fondateur, ancien maire de la ville. La ville doit également à la générosité de Mr Perez, la fondation de la Bibliothèque municipale qui compte déjà plusieurs milliers de livres.
Les rues de Mascara sont régulièrement tracées, sauf dans ce qui reste des vieux quartiers, prés de la rue d’Oran. On pourrait toutefois regretter qu’on ne leur ait pas donné en général un peu plus largeur. Il reste encore quelques lots à bâtir dans certaines rues centrales, mais en petit nombre, car on a beaucoup construit dans ces dernières années ; toutefois il y a de nombreux terrains dans le voisinage de la mosquée d’Aïn-Beïda, et du parc à fourrages, (faubourg Jules Grévy) où la ville peut s’étendre longtemps encore.
Disons enfin, pur terminer cet aperçu, que la ville est éclairée par la lumière électrique en outre de nombreuses voies de communication avec les localités voisines et un embranchement de chemin de fer qui la relie à la ligne de l’ancienne compagnie Franco-Algérienne aujourd’hui achetée par l’Etat, font de Mascara un centre d’une certaine importance, et qui paraît être appelé à un assez bel avenir.


NATURE DU SOL
Les terrains de la région de Mascara et des coteaux voisins, sont en général, d’origine tertiaire. Quant à la plaine, elle est surtout formée par les alluvions quaternaires.
L’élément dominant du sol mascaréen est incontestablement le calcaire, bien que l’on encontre cependant encore assez souvent des sols et des sous-sols sablonneux
 
Le sol dit Haspel est partout presque entièrement calcaire. Quelques ravins dont la disposition permet d’étudier la nature du sol laissent constater que seul le terrain fournit une couche très épaisse. On a cependant constaté à quelque distance de la ville, des morceaux de cristal de roche, des chalcédoines, des grès, mais peu abondants, et pour ainsi dire à létat erratique. Dans le ravin au fond duquel coule l’Oued-Toudman, on a rencontré également une couche fort étendue de macrépores dont les inférieurs accusent une certaine vétusté par leur teinte foncée et leur friabilité.
Le sol des rues et des places de Mascara est généralement d’une blancheur éclatante et donne en été une réverbération pénible pour les yeux En même temps il est friable et le vent y soulève des flots de poussière. En revanche, il paraît être très poreux car même après des pluies très abondantes quelques heures suffisent à le dessécher entièrement. Il est vrai que l’évaporation joue également son rôle dans cet assèchement rapide. Mais, quelle que soit la part respective de chacun de ces deux facteurs : porosité, évaporation, le résultat est absolument manifeste.


VEGETATION

Tous les coteaux qui entourent Mascara sont soigneusement cultivés et plantés en vignes sur un rayon de 4 à 6 kilomètres. Nous avons vu que la vigne existait déjà dans cette contrée pendant la domination arabe. Les vins de Mascara sont justement réputés par les meilleurs d’Algérie et leur réputation a depuis longtemps franchi la Méditerranèe. Ils sont généralement très riches en alcool ( 12 à 14 degrés en moyenne mais pouvant aller jusqu’à 16 et 17 degrés). Les vins blancs sont particulièrement estimés. Les vins rouges sont très riches en extrait sec ( 28 à 33,4 en moyenne par litre) en tanin ( 2 à 4,6 par litre) et en matières colorantes. ‘Analyse de Mr Colozzi,Pharmacien de 1ére classe). Ces qualités les font rechercher comme vins de coupage par les négociants bordelais et autres et leur assurent des débouchés avantageux. Le vin fait la richesse du pays ; malheureusement le phylloxéra menace d’en tarir la source à brève échéance.
On a d’abord essayé de lutter contre le terrible insecte par l’arrachage ; mais devant l’insuccès de cette mesure et les progrès de l’invasion de jour en jour plus manifestes, il a fallu renoncer à la lutte et depuis trois ans la plantation de la vigne américaine est autorisée. Toutefois elle ne va pas sans difficultés, ni déboires, et la région subit une crise terrible, capable de compromettre l’avenir de la contrée toute entière.
 
Dans le plaine au contraire, ce sont les céréales surtout qui sont l’objet de la culture, quelques vignobles y ont été créés, mais ils sont fréquemment surpris par les gelées printanières tardives, et en outre envahis en partie par le phylloxéra, de sorte que beaucoup de colons ont d’ores et déjà pris le parti de les arracher. Le nombre des hectares de vignes cultivées dans la commune est d’environ 1.200 – Plus de 3.000 hectares sont annuellement ensemencés en céréales. Le total des hectares cultivés s’élève à 10.000.
La végétation de Mascara est en retard de quinze jours environ sur celle d’Oran, de Pérrégaux et même de Dublineau. Haspel a fait une bonne étude de la flore de la région ; nous la reproduisons ici : « Le climat par sa nature ne laisse guère aux plantes annuelles qu’un court espace de temps pour se développer. Aussi les voit-on se fléchir bientôt après avoir fourni leur rapide carrière. Les labiées sont fort nombreuses, mais les espèces qu’on rencontre sont également communes en France. Les scilles forment plusieurs variétés parmi lesquelles ont trouve abondamment la scille maritime. Toute la partie ouest des montagnes est cultivée de vignes qui fournissent des produits abondants et délicieux. Des ornes, des trembles, des frênes, des saules pleureurs, des chênes, le chêne-liège, des figuiers d’Europe et de barbarie, l’agave ( agave americana) des jujubiers sauvages, des amandiers, des caroubiers, des cognassiers, des arbousiers, de magnifiques oliviers dont la circonférence ne le cède pas à ceux que nous avons vus en Provence et des sureaux à larges feuilles s’élèvent sur ces montagnes. On rencontre pêle-mêle à la base des garous, les asphodèles, les myrtes, les lauriers roses, les jasmins en plein champ, le genêt épineux, plusieurs variétés de cactus, les palmiers nains liés entre eux par d’immenses et séculaires pieds de vigne. L’oranger y est rare. Il existe près de la porte Bugeaud de Tiaret, un tronc de palmier-dattier : à voir les précautions qu’on a prises pour conserver cet arbre, on doit penser que sa conservation est difficile pour ce climat ; il est en effet entouré d’un mur circulaire à hauteur d’appui. Autour de la ville on voit d’immenses plaines fertiles en céréales. Sous le point de vue topographique, cette contrée ressemble à quelques parties de la France ; sous d’autres rapports elle a son caractère, sa physionomie et sa végétation qui lui sont propres ».

Le palmier-dattier dont parle Haspel, n’existe plus depuis longtemps et je crois que cet auteur s’est mépris sur la signification du mur qui l’entourait ; pareil-mur existe autour d’un olivier sur la place de Bab-Ali sous lequel un marabout vévéré, peut être l’Emir Abd-el-Kader lui-même, se serait reposé et aurait prêché.

 
HYDROGRAPHIE
L’Oued Toudman ruisseau médiocre qui prend sa source près de St-Hippolyte, à 4 kilomètres environ au nord de Mascara, coule dans le ravin qui sépare la ville du faubourg de Bab-Ali. Arrivé près de la porte de ce nom, il passe sous la voute qui forme l’avenue de ce faubourg ; il reçoit à cet endroit un petit filet d’eau provenant du ravin de Sidi-Bou-Skrin et s’infléchissant à gauche passe sous les remparts et sous le pont de l’Argoub et s’engage dans le jardin public en formant une cascade. Après avoir traversé ce jardin, il rencontre une seconde fois les remparts au bas du faubourg de Sidi-Mohammed, et les franchit par une ouverture qui lui est ménagé. Enfin au’dessous de la ville, au moment de déboucher dans la plaine d’Eghris, il reçoit les eaux qui proviennent des ravins d’Aïn-Beïda et de ben 1rrache, et le cours d’eau qui en résulte va se perdre dans la plaine à deux ou trois kilomètres de la ville C’est dans l’Oued Toudman que vont se déverser les égouts de la ville, les uns directement, à la sortie du jardin public ; les autres par l’intermédiaire des eaux du ravin D’Aïn-Beïda.
 
EAU POTABLE

Tout le long de l’Oued Toudman, en amont de Mascara, surgissent nombre de sources dont quelques-unes sont captées, et servent à l’alimentation de la ville ; les autres se perdent dans l’Oued. ² Il ne faut pas songer, bien entendu, à utiliser pour l’alimentation les eaux de ce ruisseau ; elles sont trop peu abondantes et exposées à trop de souillures. Aussi de tout temps, depuis que la ville existe, s’est-on préoccupé de fournir aux habitants de l’eau potable.
Lorsque que les Français vinrent à Mascara, ils trouvèrent une canalisation faite par les Arabes. L’eau d’alimentation provenait de quatre sources principales qui ont leur origine dans le ravin de l’Oued Toutman. Elle était amenée en ville nous dit Jullier, pharmacien militaire qui a étudié cette question dans un mémoire publié en 1851 « par des conduits en argile cuite, dits bourneaux s’emboîtant les uns dans les autres, et soudés entre eux par un mastic formé d’étoupes, d’huiles et de Chaux vive » Le plus important de ces conduits avait vingt centimètres de diamètre. Il y avait aussi quelques portions de conduits en maçonnerie.
« Il apparaît, dit Juillet, qu’à une époque assez éloignée, Maskra recevait une bien plus grande quantité d’eau. En effet à 4.000 mètres à peu prés de Maskara, sur la route de Mostagamen qui passe par le col d’Akbet Kredda, on trouve en remontant le cours de l’Oued Toudman, plusieurs sources d’eau dont l’eau de répand maintenant dans le ruisseau par suite de la dégradation des conduites…(Les sources dont il est ici sont celles qui donnent naissance à l’Oued Toudman, auprès de St Hippolyte). Le conduit qui amenait cette eau à Maskara est en maçonnerie très solide…. Toutes ces eaux paraissent bonnes » ajoute l’auteur en question, mais elles sont mal entretenues, stagnent en certains endroits marécageux plantés de nombreux lauriers-roses, et deviennent malsaines, « mais comme ses conduits existent et que leur réparation serait assez prompte, facile, et peu dispendieuse, il y aurait avantage pour la ville de Maskara à voir cette eau dans ses murs » Jullier estimait le produit de ces sources à 16.400 litres par heure ou 393.000 litres par jour ; son conseil n’a pas été suivi.
 
En 1851, la ville possédait 21 fontaines débitant 521.280 litres d’eau par lour, alimentées par quatre sources principales, ayant toutes leur origine dans le ravin de l’Oued Toudman, au nord-ouest de la ville (source bourgeois, Marmier,Costa). La source d’Aïn Sultan, non canalisée, servait pour l’abreuvage des cheveux de la garnison et l’arrosage des jardins. Il y avait en outre la source du ravin d’Aïn beïda, d’un débit de 40200 litres par heure ou 172.800 litres par jour située en contre bas de la ville, ne pouvant par suite alimenter les fontaines, mais qui servait pour nombreux usages de la garnison et aux habitants du quartier. Les eaux de cette source sont aujourd’hui utilisées pour l’usage de l’abattoir, situé dans le ravin un peu au-dessous.
La question des eaux est restée longtemps une grosse préoccupation pour Mascara, et n’est pas encore résolue définitivement. Depuis les premiers travaux qui suivirent l’occupation française, jusqu’en 1875, il n’y a pas eu d’adduction nouvelle. La source d’Aïn Sultan a été captée et canalisée à cette date ; à cette même époque remonte la construction du château d’eau dont la capacité est de 1680 mètres cubes En 1887 fut édifié le château d’eau de Bab-Ali alimenté par la source Tartavez provenant des environs de St Hippolyte. Il peut contenir environ 60 mètres cubes. Enfin en 1895, M. Henri Massa, Maire de mascara, réalisa au moyen d’une pompe élévatoire actionnée par une machine à vapeur l’adduction des eaux de Sidi-Daho. L’idée première de ce projet avait été conçue par M.Frédéric Perez son prédécesseur à la Mairie. Cet appoint nouveau, qui théoriquement devait être de 475.000 litres par jour en été et de 316.800 litres seulement en hiver, ne fut guère en pratique que de la moitié. L’usine élévatoire ayant été emportée par l’inondation du 10 novembre 1900, a dû être reconstruite une centaine de mètres plus en amont, et au moteur à vapeur, a été substitué l’année dernière un moteur actionné par l’electricité.
La municipalité actuelle s’est occupée d’accroître encore cette quantité d’eau, et a élaboré un projet de canalisation qui amènerait à Mascara les eaux des sources supérieures de Sidi-Daho par leur pente naturelle à l’aide d’un tunnel de deux kilomètres et demi et de tranchées d’un kilomètre et demi entre Sidi-Daho et le village de St Hippolyte. Ce projet de l’avenir assurera, d’après le rapporteur, un débit de 2000 mètres cubes. Les eaux de Mascara d’après les analyses qui ont été faites, se rapprochent de la plupart des bonnes eaux potables de France. « La seule particularité qu’elles offrent, nous dit Jullier, c’est la forte proportion d’acide carbonique contenue dans l’air qu’on retire de cette eau. Cette quantité d’acide carbonique explique la forte proportion de carbonate de chaux que produit l’analyse. Elle explique aussi un phénomène qui se manifeste dans l’ébullition de cette eau. Pendant les premières minutes de l’ébullition l’eau reste transparente, puis elle se trouble et laisse déposer un précipité blanc grisâtre de carbonate de chaux qui était dissous par un excès d’acide carbonique. Cet acide étant éliminé par l’ébullition, le carbonate devient insoluble. C’est à cette cause que l’on doit attribuer la formation du dépôt crétacé qui encroute à la longue tous les vases d ans lesquels on fait bouillir l’eau, lorsque ces vases ne sont pas continuellement entretenus dans un grand état de propreté.
 
CLIMAT
Tous les auteurs qui se sont occupés du climat de Mascara sont unanimes reconnaître que la ville occupe une situation très favorable, grâce à sa position élevée et au voisinage de la mer dont la brise vient ordinairement tempérer l’excès des chaleurs en été. En hiver au contraire le froid est assez vif.
Le climat de Mascara peut se caractériser ainsi ; très chaud en été, relativement froid en hiver ; en tout temps variations très busques. Il se produit en effet des changements de température considérables, non seulement d’un jour à l’autre ou du jour à la nuit, mais encore suivant les différentes heures de la journée. Contrairement à ce qui a lieu sur le littoral, où les saisons sont mal délimitées, et se réduisent à proprement parler à deux l’une chaude, l’autre tempérée, à Mascara l’on trouve nettement les quatre saisons comme en Europe. En hiver le thermomètre peut tomber à plusieurs degrés centigrades au-dessous de O*. En été il atteint à l’ombre par siroco40* et au –delà en temps normal, en été ,la température ne dépasse guère 35*.
 
Les vents dominants en été sont les vents du Nord dominants en été s les vents du Nord et du Sud-est. Puis viennent ceux de l’Ouest. Les vents Ouest-Nord-Ouest dominent en hiver et amènent généralement la pluie. Le vent du sud ( le siroco) se montre surtout pendant l’été et au commencement de l’automne. J’ai presque toujours vu les chaleurs estivales débuter par une série de journées de siroco. Quand souffle ce terrible vent du Sud, la chaleur est absolument accablante ; souvent il soulève des tourbillons aveuglants de poussière. Les journées de siroco, qui généralement se succèdent par séries de trois à neuf, peuvent être évalués en moyenne à 15 ou 20 pour la saison chaude. Pendant l’été l’absence d’humidité de l’air, par suite de la sécheresse favorise d’une façon remarquable la perspiration cutanée et l’évaporation de la sueur, ce qui fait que sauf le cas d’exercices violents, la peau n’est presque jamais mouillée. Cette chaleur sèche, de l’avis unanime est bien moins pénible à supporter que la chaleur humide du littoral.
Les pluies sont excessivement rares en été, et l’on passe souvent plusieurs mois sans voir tomber une goutte d’eau. Elles sont surtout abondantes en hiver et au printemps ; Les orages sont très fréquents au printemps et à la fin de l’été ; Ils ont une tendance marquée à suivre les crêtes des montagnes. La neige fait assez souvent son apparition à Mascara, mais elle n’y séjourne pas. Généralement. Dans la plaine d ‘Eghris, elle n’arrive presque jamais jusqu’à terre, bien que les montagnes voisines en soient quelquefois entièrement couvertes : « elle ne bâtit pas dans la plaine » selon l’expression arabe rapportée par le colonel Trumelet. Par contre les brouillards y sont très fréquents en hiver et au printemps. Ils arrivent quelquefois à Mascara aux premières heures du jour, mais en général la brume ne tarde pas à se dissiper sous les premiers rayons du soleil ; il est rare qu’elle persiste sur la ville après huit àu neuf heures du matin

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PLAINE D’GHRIS
Il n’est pas possible, quand on parle de Mascara, de passer sous silence la plaine d’Eghris, dont la fertilité fait en partie la richesse de la région, mais dont le voisinage a toujours eu sur la salubrité générale du pays une influence incontestable ; ses habitants les Hacem furent du reste nos adversaires les plus acharnés.
Ce nom d’Eghris, signifie plantations, c’est le participe passé du verbe « ghress » planter. D’après El Djouzi qui a laissé nous dit le docteur Uhlman, des notes sur les Cheurfa de la région de Mascara, la plaine était autrefois couverte d’arbres de toute sorte. Les anciens habitants y étaient groupés en petites bourgades au nombre de plus de cent. Cet état de choses dura jusqu’au jour où le pays fut envahi par les Hacem, serviteurs des Beni-Zian rois de Tlemcen ( vers la fin du XVè siècle ?) . Les Hacem traitèrent les autochtones en ennemis, les frappant de contributions et de razzia continuelles, au point que le plus grand nombre fut contraint de quitter la région.
 Le nom de « Hacem » signifie la suite, la cour d’un prince, ses gens. La tribu des Hacem était maghzen c’est-à-dire auxiliaire. C’était la plus puissante de la province d’Oran ; elle fournissait aux Turcs 2000 cavaliers et e’après de Castellane, elle pouvait en mettre en ligne 5000.
Le marabout de Miliana, dont nous avons rapporté l’opinion sur les gens de Mascara, n’a guère été plus tendre pour les habitants de la plaine : Voici quelques-unes de ses appréciations : _ Laboureurs, ils achètent le blé _ Tisserands, ils vont tout nus _ Un taleb de la plaine d’Eghris ne vaut pas un centime en cuivre
Une pièce fausse est moins fausse qu’un homme des Hacem. ² C’est à cette tribu qu’appartenait par sa naissance l’Emir Abd-el-Kader bien que sa famille fut originaire du Maroc et établie depuis peu dans le pays. C’est à elle d’ailleurs qu’il dut son élévation au pouvoir suprême et il avait coutume de dire que si les Beni-Ameur et les Gharabas étaient ses vêtements les Hacem étaient sa chemise. Ils furent du reste ses plus fermes soutiens.
 
Après la prise de la Smala de l’Emir (1843) le général Lamoriciére surprit dans le haut Riou les fractions les plus nombreuses des Hacem, jusque là fidèles à la fortune du Sultan, et les renvoya occuper leur ancien territoire, la plaine d’Eghris qui était à peu prés déserte. » Ce n’était plus dit Castellane cette fière tribu si orgueilleuse de ses 5000 cavaliers : misérables, ruinés, réduits à la misère la plus affreuse, à peine si les Hachems avaient cinquante chevaux éreintés ; plus de tentes, plus de troupeaux, mais des femmes et des enfants ; et c’était cette population qu’il fallait planter et faire vivre…. »
Le Gouvernement et les tribus voisines leur vinrent en aide « et deux ans après, grâce aux bonnes récoltes le tribu des Hachem était remis à flot ; n’offrant plus aucun danger comme ennemie politique, elle assurait par la responsabilité qui pesait sur elle, la sécurité des routes ». Les Hachem étaient domptés et depuis ce temps ils sont restés fidèles et dociles.
Mais revenons à la plaine d’Eghris ; le docteur F.Jacquot en a donné en 1846 dans ses lettres d’Afrique une excellente description dont je me fais un plaisir de reproduire les passages principaux à titre de document pour montrer ce qu’était la plaine lors de la conquête et nous permettre de juger les modifications que la colonisation lui a imprimées.
« La plaine d’Eghris, longue de 5 ou 6 myriamétres de l’Est à l’Ouest, sur 2 ou 3 de largeur du Nord au Sud, est encaissée de tous côtés par des montagnes continues et formant un bassin sans issue dans lequel tombent toutes les eaux des rampes environnantes.
« C’est la comme on le voit, un lit tout creusé par un lac. Il n’est même pas impossible qu’une nappe d’eau ait recouvert à une époque éloignée cette vaste excavation. Deux circonstances que nous apprécierons s’opposent à ce qu’il en soit de même aujourd’hui.
« Les cours d’eau sont pour la plupart des ruisseaux médiocres presque à sec pendant l’été, torrentueux par les pluies abondantes de l’hiver. Quand ils ont à franchir quelques montuosités dans la plaine, ils s’enfoncent dans un lit profond dont les rives sont aillées dans une terre végétale sans rochers. Ailleurs ils coulent à pleins bords au niveau des landes incultes, ou des champs exploités. Ils forment quatre groupes distincts que nous réunirons deux à deux pour leurs analogies ; celui du nord avec celui du midi ; celui du levant avec celui du couchant.« Sept à huit ruisseaux descendent des montagnes septentrionales ; ils courent parallèlement entre eux et du nord au sud. Arrivés dans la plaine ils se perdent après un cours d’une demi-lieue, terme moyen. A paine faut-il excepter l’Oued maoussa le plus volumineux de ces ruisseaux qui poursuit un trajet plus long avant de disparaître. Sur le versant méridional, et dans ses gorges, naissent également plusieurs cours d’eau qui se dirigent au Nord et vont s’engloutir dans les déclivités poreuses de la plaine D’eghris.
« A l’est, la plaine s’élève graduellement, et les eaux sans atteindre les basses terres, forment des courants qui convergent bientôt, et se résument en une petite rivière, l’Oued Sidi-Abdallah, qui s’échappe vers le Nord-Est. Le système de l’Ouest recueille non seulement les eaux des montagnes mais aussi plusieurs ruisseaux qui parcourent la plaine ; l’oued Froha est leur aboutissant commun. Mais cette artère principale, au lieu de sortir de l’Eghris sans interrompre son cours, disparaît tout à coup au pied des monticules peu élevés qui limitent la plaine de ce côté et la séparent d’une vallèe dirigée du Nord-est au Sud-Ouest.
« Que devient cette masse d’eau fournie par ce vaste développement circulaire de montagne ? une partie se perd nous l’avons dit, et forme probablement des nappes ou des couches entre les grandes stratifications de la terre. Mais l’oued Froha n’est point ainsi englouti sans ressources. De l’autre côté du monticule qui sépare la plaine de la vallée secondaire indiquée, cette rivière reparaît à Aïn-Fékan Là de nombreuse et fortes sources sortent de la terre et forment aussitôt un cours d’eau assez considèrable. Les sources d’Aïn-Fékan me semblent devoir être divisées en deux groupes : les unes qui sont tièdes, ne me paraissent pas alimentées par l’Eghris ; les autres en proviennent au contraire.
« L’infiltration dans la terre, la réapparition de l’oued Froha sous le nom d’Oued Fékan, telles sont des deux causes qui empêchent la plaine de se convertir en lac…. »
 
« L’Eghris n’est point parfaitement plane, mais s’élève en légères montuosités, au moment desquelles blanchit le plus souvent un marabout au milieu des verts figuiers de Barbarie. Quelques oasis comme Sidi Ben Aklef rompent la nudité de sa surface coupée seulement de petites touffes de palmier nain ou d’épineux jujubiers sauvages dans les endroits on la charrue arabe n’a pas écorché la superficie de la terre Des pelouses couvrent d’assez larges espaces ; des haies d’aloès autour des champs, des figuiers dans les oasis, des lauriers-roses au bord des ruisseaux complètent la végétation assez peu variée de cette grande plaine »
Dans d’autres passages le même auteur dit que « la plaine d’Eghris n’est guère plus riche en arbres que les batraciens en plumes »
« Pauvre en eau pendant les mois d’été, continue le Docteur Jacquot, elle voit dans la saison des pluies ses ruisseaux se gonfler, déborder, inonder ou au moins rendre humide les terres basses….Tout se fait marais »
A l’époque de la conquête, la plaine d’Eghris d’après le témoignage unamine des contemporains, se transformait pendant l’hiver en un vaste lac Nous venons d’entendre l’attestation de jacquot. Voici celle de d’Haspel :
« La surface du sol n’est plus dans cette saison des pluies qu’un limon fétide qui laisse d’immenses marais dont le dessèchement commençant au mois de mai fournira par la décomposition des matières animales et végétales pendant l’été et l’automne des émanations putrides et délétères si funestes aus européens… »
Le même auteur fait ressortir le contraste de cette plaine d’Eghris, »ce lac immense pendant l’hiver » qui en mars et avril « se couvre d’un riche tapis de verdure et d’abondantes moissons de blé et d’orge, ect… »
Depuis cette époque les choses on bien changés ; un canal creusé par les Ponts et Chaussées, il y a une dizaine d’années(commencé en 1891, il a été terminé en 1893) permet à l’Oued frha de continuer son cours jusqu’aux sources de l’Oued Fékan, et la plaine n’est plus inondée dans toute cette région. Un syndicat s’est formé pour canaliser également l’Oued Maoussa, de façon à débarrasser définitivement l’Eghris des inondations, et à l’assainir. Ce nouveau canal conduira les eaux de cet oued et quelques autres de moindre importance, hors de la plaine dans les gorges de Tizi. Les travaux doivent commencer incessamment.
 
Par suite des progrès de la colonisation la plus grande partie de la plaine est aujourd’hui aux mains des colons qui l’ont défrichée et cultivée ; les Arabes eux-mêmes commencent à utiliser les méthodes de culture européennes et ne craignent pas de substituer la charrue française à leurs grossiers et primitifs instruments de labour.
La plaine est sillonnée de toutes parts par de nombreuses routes, traversée par une ligne de chemin de fer parsemée de nombreuses fermes isolées, et de nombreux villages très prospères y ont été crées, représentant d’après le dernier recensement une population de 3.387 habitants.
Dans ce chiffre ne sont compris que les villages situés dans la plaine proprement dite, c’est à dire : Palikao, Sonis, Cacherou, Malussa, Materome, Thiersville, Froha et Tizi ; Si l’on y ajoute les 670 habitants de Saint-André situé sur les premiers coteaux qui bordent la plaine au Sud-Ouest de Mascara, à trois kilomètres de la ville, on dépasse 4.000 habitants.
Puisque nous avons prononcé le nom de Saint-André, disons en un mot en passant. Ce village fut avec Saint-Hippolyte le premier essai de colonisation de la région. « Commencé en 1847 au lieu dit Arsibia, nous dit Berard, il n’a été définitivement constitué que par décret du 22 Janvier 1850. Les premiers colons étaient d’anciens militaires. Les eaux du ravin d’Arsibia y ont été amenées, alimentent la fontaine située au centre du village, et à leur sortie elles vont arroser les jardins de ce canton fertile ».
Ainsi l’aspect de la plaine a totalement changé ; la charrue de colon a bouleversé le sol et grâce à elle le palmier nain a à peu près disparu et le jujubier devient rare, cédant la place aux céréales et à la vigne.
Malheureusement, il faut avouer qu’à part quelques points privilégiés, sauf dans l’intérieur des villages, et le long de certains routes, il n’existe guère plus d’arbres qu’à l’époque ou Jacquot pouvait écrire que dans la plaine n’était plus riche en arbres qu’un batracien en plumes.
 
SALUBRITE PROGRES ACCOMPLI
Nous avons vu ce que fut Mascara autrefois, et le tableau si saisissant que nous a laissé le Docteur Jacquot de l’état de la ville aux premiers jours de l’occupation, était certainement de la vérité, émanant d’un témoin oculaire. Nous avons exposé ce qu’est devenu Mascara depuis : nous connaissons maintenant cette localité qui suivant l’expression imagée du colonel Trumelet « est en somme une bonne petite ville délicieusement située en phare sur la plaine d’Eghris, parfaitement habitée, et qui en échange de son vieux fusil de guerre ne demande pas mieux que de brandir inoffensivement et en bredouillant un couplet à boire le thyrse pourpré de Bacchus ». Il est donc facile de voir le chemin parcouru et de juger le progrès réalisé dans une période qui somme toute n’excède pas la durée d’une vie humaine.
De la ville d’Abd-el-Kader, il ne restait plus qu’un monceau de ruines quand les Français l’occupèrent, il fallut la relever, la peupler, la doter de ses édifices, lui donner de l’eau, des égouts, de la lumière. Autant et peut être mieux eut-il valu créer une cité nouvelle. Il conviendrait donc pas de se montrer trop exigeants et de reprocher avec amertume aux Municipalités passées de ne pas avoir parfait leur œuvre, car il ne faut pas oublier que s’il reste encore beaucoup à faire elles ont créer entièrement ce qui existe à l’heure actuelle. La tache de nos colons n’a pas été une tache toujours aisée,toujours facile, exempte de toute difficulté et de tout danger. Sans doute nos troupes ont du d’abord conquérir l’Algérie par la force des armes, mais il y avait une autre conquête qui n’était pas moins ardue et qui a coûté peut-être encore plus de vies humaines. Il fallait vaincre aussi les maladies engendrées par le climat qui assaillirent les nouveaux arrivants il fallait rendre possible aux nouveaux colons le séjour dans ce pays.
La région devait incontestablement jouir d’une certaine salubrité car les cas de longévité chez les Arabes n’étaient points rares, e l’on trouve chez eux un nombre relativement élevé de vieillards qui se disent centenaires. Le marabout des Hachem, Si Larrach qui présidait l’assemblée d’Arsibia lors de l’élection de l’émir était plus que centenaire. Déjà dans l’antiquité cette salubrité était reconnue et l’historien Salluste dit en parlant des Numides qui habitaient cette partie de l’Afrique, que presque tous parvenaient à un âge avancé excepté ceux qui périssaient à la guerre ou sous la dent des bêtes fauves.
Les Numides avaient alors des mœurs pastorales assez analogues à celles des Arabes modernes. Du reste les conditions de climat devaient peu différer d’avec celles d’aujourd’hui, car il ne faut pas oublier que Sallustre a caractérisé ce pays d’un mot qui est encore profondément juste « Caelo terraque penuria aquarium » ( Le ciel comme la terre manquait d’eau). Or il existe des témoignages irrécusables attestant qu’à cette époque reculée on pouvait atteindre un âge très avancé. J’ai relevé moi-même, à coté de la station thermale de Bou Hanifia, à 20 kilomètres de Mascara à vold’oiseau sur l’emplacement de l’ancienne cité romaine des « Aquae Sirense » une inscription funéraire attestant que le personnage dont le corps repose en cet endroit à vécu cent ans.
L’impression des premiers médecins qui vinrent en Algérie, ut d’ailleurs conforme à ces données historiques Jacquot n’hésite pas à proclamer que la province d’Oran a toujours été regardée comme notre plus saine circonscription africaine. Haspel de son coté rend particulièrement justice à Mascara : « Il nous a semblé dit-il que les maladies étaient moins communes, avaient une violence moindre dans certaines localités plus froides comme Tlemcen, Mascara. » Il va même jusqu’à déclarer qu’ au printemps l’état sanitaire de la garnison est plus satisfaisant ici qu’à Paris même. La salubrité de la province d’Oran en général et de Mascara en particulier est donc établi par les auteurs contemporains de la conquête.
Mais cela m’empêche pas que les premiers colons furent fort éprouvés et que beaucoup payèrent de leur santé et de leur vie les premières tentatives de colonisation. Trois grandes classes d’affections, surtout dominaient alors la scène pathologique : ce sont les fièvres, les affections intestinales (diarrhées et dysenterie) et les maladies du foie.
Les fièvres régnaient au début de l’occupation tous les ans à Mascara, avec une intensité variable. Nous avons là-dessus des témoignages très précis notamment ceux de Jacquot, de Haspel, des deux derniers médecins chefs de l’hôpital militaire de Mascara.
 
Jacquot écrit ceci en 12846 : « Mascara serait certainement une ville des plus malsaines et des plus ravagées par les fièvres endémiques, si elle n’était située à plus de 100 mètres au-dessus de la plaine, sur le versant nord du bassin. Néanmoins malgré sa situation avantageuse la ville est soumise a des fréquentes et graves fièvres ; nous devons sur ce point d’exacts renseignements à MM. les officiers de santé de l’hôpital militaire. » Nous savons aussi que les premiers villages créés (St André et St Hippolyte) furent particulièrement atteints : le colonel Marchand dans ses Souvenirs d’un colonel de génie, déclare qu’on mourrait tellement de la fièvre à St André « qu’on avait beau y envoyer des colons on ne parvenait pas à peupler ce village » Voici ce qu’en dit Haspel en 1847 :
 « L’établissement de deux villages au voisinage de cette fameuse plaine d’Eghris a rendu plus fréquents cette année les accès pernicieux qui on atteint particulièrement la classe civile occupée à faire les foins dans la plaine encore à moitié submergée. En général les habitants des campagnes, les individus employés à l’exploitation du sol, succombent en beaucoup plus grand nombre toutes choses égales d’ailleurs, que les individus placés dans les autres catégories professionnelles. »
Quant à la dysenterie, on la considérait à cette époque comme inévitable ; « Pour quiconque doit vivre quelques temps en Algérie ne fût-ce même que quelques mois, écrivait Casimir Broussais, un autre médecin militaire, la diarrhée et la dysenterie sont un tribut qu’il faudra payer ; la maladie sera légère ou grave, passagère, suivant le temps, le lieu, la personne »
C’est catégorique comme l’on voit. Haspel de son côté donne la même note, et constate que de toutes les formes que revêtent les maladies endémiques de la province d’Oran, c’est la plus fréquente. Quant aux affections du foie, Haspel proclame leur extrême fréquence ; l’hypertrophie du foie, dit-il est un phénomène presque général chez l’homme qui a habité l’Afrique quelques années. Il n’hésite pas à dire que ces affections sont plus communes en ce pays que ne le sont en France celles du poumon et déclare avoir vu mourir dans l’espace de dix ans plus de cent personnes d’abcès du foie.
 
Il est vrai qu’un autre médecin, Catteloup, n’hésite pas à attribuer en partie les malades de foie à l’abus des liqueurs fortes. Cet abus était si notoire, que le maréchal Bugeaud d’après témoignage du docteur Armand, dut prohiber l’usage d’absinthe parmi les troupes pour éviter la folie.
Indépendamment de peu de sécurité qu’offrait le pays encore récemment conquis,, les premiers colons avaient donc encore à lutter contre le climat qui faisait dans leurs rangs des hécatombes sans pitié ni répit. Notez que je laisse volontairement de coté les diverses épidémies, telles que la choléra, typhus, variole, ect qui périodiquement venaient décimer les populations sans oublier la famine, qui, comme en 1867, se mettait parfois partie.
Nous en avons fini avec l’étude rétrospective de cette période difficile, qui, il convient de la dire, ne fut pas d’ailleurs de très longue durée. Déjà en 1849 Haspel écrivait que grâce à la civilisation qui frappait à sa porte, l’Afrique voyait tous les jours diminuer son insalubrité, et prévoyait que les maladies deviendraient rares lorsque la transformation, qui déjà se dessinait, serait achevée. Cette transformation il eut le temps de la voir en grande partie se réaliser ainsi qu’il le constate en 1860.
Il n’était pas le seul à faire ces constatations. Marit en faisait de semblables, dans son « Hygiène de l’Algérie – 1862 » et en étudiant les causes de ce changement, insistait surtout sur le rôle capital de l’Agriculture. Il n’hésite pas à déclarer que la culture, le reboisement et le défrichement des marais feront prompte justice des causes de maladies inhérentes à l’insalubrité du sol. Il considère ces causes comme essentiellement passagères, et constate qu’elles ont déjà affaiblies par le progrès de l’Agriculture. « la santé générale dit-il et la prospérité du pays seront assurées quand la culture aura pris l’extension qu’elle peut avoir : ces deux conditions sont unies intimement… »
Quelques années plus tard, en 1867, Bérard ( indicateur général de l’Algèrie) ne craint pas de proclamer la salubrité de Mascara, et déclarer que ses habitants sont rarement atteints de maladies particulières en sol africain.
 
Néanmoins quelque rapide qu’ait été la transformation, elle ne se fît pas sans dommage,, et les colons de la première heure payèrent souvent de leur vie la salubrité qu’il ont procurée à leurs successeurs ; tel village a du être repeuplé deux ou trois fois, tous les habitants a ayant été successivement fauchés par l’impitoyable fièvre. J’ai déjà cité le témoignage du colonel Marchand au sujet de Saint André t je pourrais en citer d’autres tout aussi caractéristiques.
Mais la mortalité individuelle des adultes n’était pas le seul écueil ; il y avait aussi la mortalité infantile c’est à dire la question de l’acclimatement qui mettait en jeu l’avenir même de la race française en Algérie, et pendant de longues années des esprits très éclairés cependant, furent très pessimistes à ce sujet. « Les cimetières sont les seules colonies toujours croissantes de l’Algérie » disait le général Divivier et le docteur Vital, de Constantine, faisait cette triste constatation que je retrouve consignée dans la « Démocratie » figurée du docteur rené Ricous (1880) : » Les enfants nés en Algérie de père et de mère européens depuis vingt-trois ans sont impitoyablement moissonnées »
Le docteur Catteloup, en constatant cette difficulté d’élever des enfants, et la grande mortalité qui pesait sur eux, déclare qu’elle est produite par des affections de la portion inférieure du tube digestif, et la diarrhée qui est généralement liée à la dentition, laquelle de manifeste en Algérie avec une violence et une durée inaccoutumée. Cependant le docteur Cazalas faisait entendre une note plus rassurante quant il écrivait dans la gazette médicale de Paris, que « cette mortalité excessive tenait à des conditions exceptionnelles dépendant des lieux, des temps, des individus, et non du climat ». Autrement dit, dans la plupart des cas, avec des soins convenables, il aurait pu en être autrement. La suite des événements lui a d’ailleurs donné entièrement raison – heureusement pour la colonisation.
Quoi qu’il en soit, les efforts d’une vigilante phalange de colons, quelquefois utilement secondés par les pouvoirs publics – mais, pas toujours témoin le choix déplorable de l’emplacement de certains villages – ont remporté la victoire sur le climat, et fait disparaître en grande partie les causes d’insalubrité. La race algérienne, formée de la fusion dans un même creuset d’éléments ethniques très divers, s’affirme tous les jours forte et vigoureuse. L’Algérie peut si bien prétendre aujourd’hui, au bénéfice d’un salubrité relative suffisante, sinon parfaite, que depuis 20 ans, la population, au moins en ce qui concerne Mascara, a plus que doublé.
 
Me voici, Mesdames et Messieurs, parvenu à la fin de ma tache : puisse ce court aperçu de ce que fut Mascara, et de ce qu’il est devenu, grâce au labeur persévérant d’une poignée de colons que rien ne put rebuter, vous avoir intéressés, et surtout vous servir d’exemple en vous montrant le chemin parcouru et en vous faisant toucher du doigt cette vérité, que, quoiqu’on ait pu dire, les Français aussi bien que d’autres savent coloniser.
Il est bien définitivement passé le temps où des hommes graves pouvaient laisser tomber de leurs lèvres « Les cimetières sont les seules colonies toujours croissantes en Algérie »
Si Mascara traverse en ce moment une redoutable crise économique par suite de l’invasion du phylloxéra, il faut se rappeler que les colons de la première heure eurent aussi de rudes épreuves à supporter, et qu’ils sont néanmoins sortis triomphants de la lutte. Ainsi en sera-t-il encore une fois


Donc haut les cœurs ! Mesdames et Messieurs, et vive Mascara

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L'Algérie Française

{jcomments off}Un document peu courant, mais authentique, car émanant du gouvernement français de 1957. Il a été remis a toutes les  recrues,  embauchées, pour défendre ses couleurs en Algérie alors région Française. C'est donc un document officiel.

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